Evgueni Prigojine et Dmitri Outkine, immortalisés à Bangui
C'est un monument qui interpelle à bien d'égards. Bangui, capitale de la République Centrafricaine (RCA), a été le théâtre d’une cérémonie singulière mardi dernier. Une statue en bronze d’Evguéni Prigojine, l’ancien leader du groupe paramilitaire russe Wagner, a été inaugurée devant la Maison russe. Ce geste, aussi spectaculaire que polémique, reflète la complexité des liens entre la RCA et son puissant allié russe.
Une représentation marquante
La statue, en grandeur nature, immortalise Prigojine dans un rôle combatif : talkie-walkie en main, gilet pare-balles sur le torse, flanqué de Dmitri Outkine, son bras droit, tenant une kalachnikov.
Les deux figures, décédées dans un mystérieux crash aérien le 23 août 2023, incarnent le pouvoir militaire et l'influence économique de Wagner en Afrique.
Une mort chargée de tensions
La disparition de Prigojine dans des circonstances troubles, survenue seulement deux mois après avoir défié Vladimir Poutine lors de la mutinerie avortée de juin 2023, continue d’alimenter les spéculations.
Alors qu’il avait publiquement dénoncé les défaillances de l’armée russe en Ukraine, son insubordination avait placé le Kremlin dans une position inconfortable.
Cette statue, bien qu’éloignée géographiquement, pourrait susciter l’agacement de Moscou, qui semble vouloir effacer peu à peu l’héritage de cet ancien proche devenu rival.
La RCA et Wagner, un partenariat stratégique
Depuis 2018, le groupe Wagner a été un acteur clé de la stabilisation du régime du président Faustin-Archange Touadéra.
En échange de concessions minières stratégiques, ces mercenaires ont renforcé la sécurité nationale et repoussé les groupes rebelles.
Leur présence va bien au-delà des batailles militaires : mines d’or et de diamants, gestion de ressources stratégiques, Wagner est omniprésent.
Une opinion publique divisée
Pour certains Centrafricains, cette statue est un symbole de reconnaissance.
« Les Russes nous ont aidés à rétablir la paix. Cet hommage est mérité », déclare Élysée Bafolo, résident de Bangui.
Mais cette initiative est loin de faire l’unanimité. Trésor Yazimango, un militant local, critique : « Nous aurions pu utiliser cet argent pour les routes ou les hôpitaux. Notre souveraineté est en jeu. »
Un pays sous pression extérieure
Depuis son indépendance en 1960, la Centrafrique peine à s’émanciper de ses crises internes et de la mainmise de ses alliés étrangers.
Alors que le groupe Wagner maintient sa position dominante dans le pays, de nombreux observateurs s’interrogent : à quel prix la RCA préserve-t-elle sa stabilité ?
Prigojine, une figure controversée
Evguéni Prigojine, autrefois proche de Vladimir Poutine, symbolise la dualité de Wagner : un outil de puissance géopolitique russe, mais aussi un facteur de dépendance pour ses partenaires africains.
Son héritage, désormais gravé dans le bronze à Bangui, rappelle autant son influence militaire que les controverses qui l’entourent.
L’hommage à Prigojine est autant une démonstration de force qu’un témoignage des liens profonds et ambivalents entre la RCA et la Russie.
Mais cette statue soulève une question cruciale : la Centrafrique écrit-elle sa propre histoire ou devient-elle le reflet des ambitions d’acteurs étrangers ?
Comments