C'est une position qui génère beaucoup de soutiens à travers l'Afrique. Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu a créé la polémique en s'opposant publiquement au Pape François concernant la béatification du roi Baudouin. Lors d'une conférence de presse au Vatican, mardi 21 octobre 2024, l'archevêque de Kinshasa a dénoncé l'existence d'une « tache noire » qui ternit ce dossier : l'assassinat de Patrice Lumumba en 1961. Ce sombre épisode historique jette une ombre sur le processus initié par le souverain pontife, qui avait annoncé sa volonté de béatifier l'ancien roi des Belges en septembre dernier, en le qualifiant « d'homme de foi » pour son opposition à l'avortement.
Une mémoire entachée
Pour le cardinal Ambongo, le passé colonial de la Belgique et le rôle présumé du roi Baudouin dans les affaires qui ont conduit à l'assassinat de Lumumba ne peuvent être ignorés.
Lumumba, figure emblématique de l'indépendance congolaise, avait été le premier Premier ministre du pays après la fin de la colonisation belge en 1960.
Son assassinat, survenu le 17 janvier 1961 dans la province du Katanga, reste l'une des tragédies les plus douloureuses de l'histoire congolaise.
Plusieurs documents et témoignages indiquent la présence de fonctionnaires belges sur les lieux du meurtre, mais les circonstances exactes de cet événement n'ont jamais été complètement élucidées.
Le cardinal, qui est également président du Symposium des Conférences épiscopales d'Afrique et Madagascar (SCEAM), a insisté sur la nécessité de clarifier le rôle du roi Baudouin dans cette affaire avant d'entamer toute démarche de béatification.
« Si le dossier évolue dans le sens que certains veulent, pour le présenter à la canonisation, on est ouvert, » a-t-il précisé, tout en soulignant que la « tache noire » que représente l'assassinat de Lumumba doit être prise en compte.
Le sombre héritage du Roi Baudouin
L'initiative du Pape François de béatifier le roi Baudouin a suscité des controverses dès son annonce en Belgique, où le monarque est à la fois vénéré pour sa foi et critiqué pour son rôle dans les affaires coloniales.
Son règne, de 1951 à 1993, coïncide avec une période tumultueuse marquée par la décolonisation brutale du Congo.
Si Baudouin est reconnu pour ses positions fermes sur l'avortement, ayant même abdiqué temporairement en 1990 pour éviter de promulguer une loi le légalisant, son héritage reste entaché par le lien historique avec le Congo et les violences qui ont suivi l'indépendance.
La visite du Pape en Belgique en septembre dernier avait été l'occasion d'annoncer son intention de lancer le processus de béatification.
François avait alors salué Baudouin comme un « homme de foi », mais cette vision positive n'est pas partagée par tous, notamment au sein de l'Église africaine.
En République démocratique du Congo, l'assassinat de Lumumba reste un symbole de l'ingérence coloniale et de la souffrance infligée au peuple congolais.
Fridolin Ambongo, une voix de contestation
La prise de position du cardinal Ambongo ne se limite pas à une opposition théologique.
En tant que leader influent du clergé africain, il se pose en défenseur de la mémoire historique de son pays.
En convoquant la congrégation pour la cause des saints, il entend mener une enquête rigoureuse sur les zones d'ombre entourant le rôle de Baudouin dans les événements tragiques de 1961.
Pour le prélat congolais, la justice historique doit primer sur la vénération d'une figure controversée.
Cette opposition fait écho aux attentes de nombreux Congolais qui souhaitent que la vérité soit pleinement reconnue avant d'honorer un ancien monarque.
Pour Fridolin Ambongo, il est inconcevable que l'Église puisse sanctifier un homme sans aborder les aspects sombres de son règne, en particulier ceux liés à la période coloniale.
Un processus de béatification sous haute tension
Le dossier de béatification du roi Baudouin risque de diviser l'Église catholique.
Le cardinal Ambongo n'est pas le seul à exprimer des réserves. La question de l'assassinat de Lumumba et du passé colonial belge alimente un débat plus large sur le rôle de l'Église dans les processus de décolonisation.
Si l'initiative de François vise à réhabiliter l'image d'un monarque dévot, la contestation menée par Ambongo souligne les tensions entre justice historique et reconnaissance religieuse.
Cette confrontation entre le cardinal congolais et le Vatican intervient dans un contexte où de nombreux fidèles africains appellent à une prise de conscience plus franche des responsabilités historiques de l'Europe.
Pour eux, l'enjeu n'est pas seulement la mémoire de Lumumba, mais aussi la reconnaissance des souffrances infligées durant la période coloniale.
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