Bénin/Nigeria: Patrice Talon prône une nouvelle ère dans la Cedeao

Patrice Talon / Président du Bénin

Le sommet de la CEDEAO tenu ce 20 juin 2025 à Abuja a été marqué par une déclaration forte du président béninois Patrice Talon, qui a surpris et galvanisé l’assemblée. Avec franchise, il a appelé à un changement radical de paradigme pour le développement de l’Afrique de l’Ouest : le temps de la dépendance est révolu, place à la souveraineté économique et à l’action concertée. À ses côtés, son homologue nigérian Bola Tinubu semble avoir donné son aval pour une étape majeure : l’intégration économique effective entre le Bénin et le Nigeria.

L’aide internationale, une illusion désormais dissipée

« L'aide internationale n'existe plus et n'existera plus », a déclaré sans détour Patrice Talon, estimant que les nations africaines doivent désormais compter sur leurs propres forces.

Pour lui, l’exemple américain, même dans sa brutalité commerciale, doit servir de réveil stratégique :

« Les États-Unis défendent leurs intérêts au centime près. À la limite, nous devrions saluer le Président Trump pour ce coup de fouet qu’il nous donne. »

Ce discours, à la fois lucide et provocateur, marque un tournant. Il résonne comme un appel à l’auto-détermination économique des États de la région.

Pour Patrice Talon, l’intégration régionale ne doit plus rester un slogan, mais devenir un levier réel de transformation.

Bénin–Nigeria : une intégration pilote

La déclaration historique est sans ambiguïté :

« Le Président Tinubu et moi sommes d’accord pour que le Bénin et le Nigeria intègrent effectivement leurs économies. »

Les deux chefs d’État ont donné des instructions claires à leurs ministres pour que cette volonté politique se traduise rapidement en actes : harmonisation des règles commerciales, facilitation douanière, mobilité des biens, des capitaux et des personnes, coordination énergétique, voire interconnexion monétaire à terme.

Ce binôme représente un test grandeur nature pour l’Afrique de l’Ouest, tant le Nigeria, géant démographique et économique du continent, et le Bénin, pays stratégique et résilient, disposent de complémentarités puissantes.

Une telle initiative pourrait préfigurer un modèle de blocs économiques sous-régionaux efficaces, en attendant une CEDEAO plus unifiée.

Intégration ou fragmentation : l’heure du choix

Cette initiative pourrait aussi faire émerger des fractures au sein de la CEDEAO, où les visions divergent.

Alors que certains États prônent encore la prudence et l’attentisme, d’autres, comme le Bénin et le Nigeria, misent sur l’audace et la vitesse.

Patrice Talon lance ainsi un défi à toute la région : faire de l’intégration économique un outil concret de lutte contre la pauvreté, et non une rhétorique de sommet.

Pour lui, seule une intégration réelle permettra de tirer les peuples ouest-africains de la précarité, en rompant avec la logique de dépendance.

Vers une souveraineté économique ouest-africaine ?

La déclaration de Talon peut être perçue comme l’un des signaux les plus clairs d’un désir d’émancipation économique collective.

En jetant les bases d’une alliance économique renforcée avec Abuja, le Bénin ne cherche pas seulement à renforcer ses échanges, mais à impulser un mouvement plus large de souveraineté économique africaine.

L’enjeu est clair : prouver qu’il est possible, en Afrique, de concevoir des partenariats Sud-Sud solides, équitables et dynamiques, capables de répondre aux besoins des populations bien mieux que les conditionnalités de l’aide étrangère.