Le lundi 18 décembre 2023, l’Église catholique a donné son feu vert à la bénédiction des couples irréguliers et homosexuels. Via un document signé des mains du nouveau préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, Monseigneur Victor Manuel Fernandez et approuvé par le Pape François, les prêtres sont désormais autorisés à bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, à condition que ce soit en dehors des rituels liturgiques pour éviter toute confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage.
La déclaration intitulée « Fiducia supplicans », publiée en plusieurs langues précise que les irrégularités évoquées abordent les personnes qui sont passées par la case divorce mais aussi celles qui entretiennent une relation stable avec un conjoint ou une conjointe du même sexe.
Toutefois, l’Église catholique romaine continue de qualifier les relations homosexuelles de « péché » et s’oppose toujours au mariage gay de façon formelle mais elle semble désormais avoir une certaine bienveillance pour lesdits pécheurs.
UNE DECISION SURPRENANTE ?
Cette décision n’est pas vraiment surprenante pour plusieurs raisons. Il y a des pays qui espéraient fortement au sein de l’église catholique, une position du genre. En Belgique ou encore en Allemagne, l’épiscopat demandait clairement une telle avancée.
Aussi le Pape François montrait-il une certaine sensibilité vis-à-vis des homosexuels. Il avait notamment déclaré dans le passé : « si une personne est gay et cherche le seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ». Des propos tenus du retour des journées mondiales de la jeunesse au Brésil le 29 juillet 2013.
UNE POSITION CONSENSUELLE AU SEIN DE L’EGLISE CATHOLIQUE ?
Cette position du souverain pontife est loin de faire consensus au sein de l’église. Les conservateurs américains et les Africains sont foncièrement contre. En Afrique par exemple, la décision suscite débats dans les cercles chrétiens.
En Novembre 2023, le Cardinal ghanéen Peter Turkson s’était positionné contre la pénalisation des personnes LGBT. Avis contraire de la part de son homologue guinéen Robert Sarah pour qui : « l’homosexualité occidentale et les idéologies abortives […] sont aujourd’hui ce que le nazisme et le communisme étaient au XXe siècle. »
La défiance semble être l’attitude des représentants de l’Eglise catholique en Afrique. L’homosexualité est un sujet tabou dans l’écrasante majorité des pays africains. L’évolution doctrinale souhaitée par le Pape ne trouve donc aucun écho sur le continent noir.
Plusieurs prélats africains ont clairement affiché leur opposition au Pape. C’est le cas de l’Archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo, également président du symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar.
Il a écrit afin de marquer « beaucoup de perplexité » face à la « déclaration qui se prête à de nombreuses interprétations et manipulations ». Aussi a-t-il souhaité une consultation des Eglises africaines dans le but de produire « une seule déclaration synodale, valable pour toute l’Eglise d’Afrique ».
Une position partagée par d’autres pays du continent tels que le Togo, le Malawi, le Nigéria ou encore le Cameroun qui ont déjà communiqué leur refus de mettre en application cette volonté du Pape François.
Pour sa part, l’archevêché d’Abidjan invite les fidèles chrétiens catholiques à la patience et estime que cette demande est « impossible » à mettre en œuvre.
Dans une lettre rédigée en neuf points, l’archevêque de Brazzaville, Monseigneur Bienvenu Manamika Bafouakouahou, s’est voulu on ne peut plus clair : « au nom de notre fidélité à l’Évangile, par respect pour notre patrimoine culturel, et pour le bien de la famille humaine, il nous est impossible, nous Archevêques et Evêques du Congo-Brazzaville, de permettre la bénédiction des unions évoquées dans Fiducia Supplicans ». Et d'ajouter « la conformité de vie à la Parole de Dieu n’est pas une option, elle n’est pas facultative. Elle est un devoir moral et une norme de vie au quotidien. »
Réunie à la veille du nouvel an, la Conférence Épiscopale du Bénin à suivi les recommandations et décisions de la quasi totalité de ses pairs africain. Elle ordonne « … aux ministres ordonnés, incardinés ou de passage sur le territoire béninois, de s’abstenir de toute forme de bénédiction aux couples de même sexe et aux couples en situation irrégulière. »
Des positions qui sonnent le glas pour le Fiducia supplicans, en tout cas sur le continent africain.
QUELLE EST LA POSITION REPENDUE DANS L’OPINION PUBLIQUE AFRICAINE ?
Au sein de l’opinion africaine tout comme dans l’église, la réticence reste prononcée. L’exil, la prison ou encore la peine de mort, voilà entre autres le traitement réservé aux homosexuels. Dans des pays comme le Soudan, la Somalie, le Burundi, ou encore la Mauritanie, les homosexuels ne sont pas tolérés et les positions étatiques sont claires à ce propos.
La Cour Constitutionnelle Ougandaise a par exemple été sollicitée par le Président pour réexaminer une loi anti-homosexualité réputée parmi les plus dures au monde. Au Burkina Faso, c’est sur la base du rapport sur les concertations régionales que l'Assemblée Législative de Transition (ALT) a demandé l’interdiction et la pénalisation de l’homosexualité.
Au total, l'homosexualité est interdite dans 32 pays africains et les sujets liés aux droits des homosexuels restent très délicats.
Aussi les questions morales font-elles partie intégrante des lignes de clivage qui existent entre l’Afrique et l’Occident.
Seul pays à faire la différence sur le continent, l’Afrique du Sud admet depuis 2006, le mariage homosexuel dans le pays.
S’avance-t-on vers une rupture entre l’Afrique et Rome ?
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