Bénin : Adrien Houngbédji met les pieds dans le plat et tacle...

Maître Adrien Houngbedji / Ancien président de l'Assemblée Nationale

Dans un courrier adressé au ministre de l’Intérieur, Me Adrien Houngbédji, président du Parti du Renouveau Démocratique (PRD), oppose un démenti ferme à toute prétention de dissolution de sa formation politique. S'appuyant sur des faits juridiques et politiques, il conteste formellement l’argument d’une disparition du PRD après sa supposée fusion avec l’Union Progressiste le Renouveau (UP-R). Mais plus qu’un rappel à l’ordre administratif, cette lettre résonne comme un signal d’alarme sur la dérive démocratique actuelle. Et une question se pose : le PRD prépare-t-il une rupture ouverte avec l’UP-R ?

Une mise au point juridique au ton politique clair

Dans sa correspondance adressée au ministre, Me Houngbédji défend la légitimité d’un communiqué publié par son Secrétaire Général Adjoint, Gratien-Laurent Ahouanmenou, rappelant que celui-ci agit toujours au nom d’un parti légalement reconnu.

Il démontre que l’accord de fusion signé en août 2022 n’a jamais entraîné la disparition juridique du PRD.

« Le PRD qui existait avant le protocole d’accord a donc continué à exister après », écrit-il avec force, preuves à l’appui.

Le récépissé définitif délivré au PRD après la signature de l’accord de fusion est, selon lui, une preuve administrative irréfutable.

Ce rappel formel vise à remettre à l’endroit une confusion délibérément entretenue par certaines autorités.

Pour Houngbédji, il ne fait aucun doute que le PRD est toujours vivant, organisé, avec des organes statutaires actifs et des textes réglementaires clairs.

Un malaise plus profond : la crise des valeurs démocratiques

Au-delà de la bataille juridique sur l’existence du PRD, c’est surtout l’évolution politique du pays que le vétéran de la classe politique béninoise interroge.

Il déplore de manière implicite un climat de plus en plus intolérant où la contradiction politique est assimilée à une hostilité personnelle, et où l’uniformité idéologique prime sur la diversité d’opinion.

Ce constat alarmant, il le relie à l’exclusion persistante de plusieurs figures majeures de l’opposition, maintenues en exil ou emprisonnées, et à une gouvernance fondée davantage sur la marginalisation que sur l’inclusion.

En appelant au retour des exilés et à la libération des détenus politiques, Houngbédji renvoie à une époque où le Bénin savait régler ses différends dans la concertation, sous l’arbre à palabres, et non par la répression ou le bannissement.

Il remet ainsi en question une gouvernance jugée de plus en plus autoritaire, en rupture avec les valeurs fondatrices du renouveau démocratique dont il fut l’un des architectes.

Djogbénou face au dilemme Houngbédji

C’est dans ce contexte tendu que le président de l’UP-R, Me Joseph Djogbénou, s’est rendu le 26 mai dernier au domicile d’Adrien Houngbédji.

Objectif : apaiser les tensions après les déclarations du président du PRD, perçues comme un désaveu de la ligne du parti fusionné.

Selon des sources proches des deux hommes, Houngbédji a renouvelé son engagement pour l’unité du parti, tout en réclamant davantage de considération pour ses fidèles et une reconnaissance claire du poids politique de sa formation dans les instances de décision.

Maître Joseph Djogbenou / Président de l'UP-R ©JCI

De son côté, Djogbénou, ancien président de la Cour constitutionnelle et actuel président de l’UP-R, a tenté de rassurer.

Il a promis une prise en compte équitable de toutes les composantes du parti et accepté la perspective d’un nouvel échange.

Mais cette tentative de conciliation n’efface pas la complexité de l’équation qu’il doit résoudre.

Joseph Djogbénou se retrouve aujourd’hui dans une posture délicate. D’un côté, il doit affirmer l’autorité de sa direction et préserver la cohésion d’un parti composite.

De l’autre, il ne peut ignorer la légitimité historique et politique d’un Houngbédji dont la parole, malgré son retrait apparent, reste puissamment symbolique.

Prendre à la légère cet avertissement pourrait fissurer l’unité déjà fragile de l’UP-R.

Une rupture en gestation ?

À travers cette sortie, Adrien Houngbédji envoie un message politique sans ambiguïté : le PRD est debout, prêt à reprendre sa place sur l’échiquier national.

Et s’il est encore dans la maison UP-R, c’est à la condition expresse que les principes démocratiques soient respectés et que ses militants ne soient pas relégués à un rôle décoratif.

Alors, assiste-t-on au prélude d’une rupture formelle ? Tout dépendra des actes posés dans les jours à venir.

Mais ce qui est désormais certain, c’est que la paix apparente au sein de la majorité cache de profonds désaccords.

Et dans ce duel entre continuité et retour aux sources, le dilemme de Djogbénou pourrait bien devenir celui de tout le régime.

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