L’ancien chef de la junte guinéenne, gracié malgré une lourde condamnation pour crimes contre l’humanité, a quitté le pays dans la plus grande discrétion. Une nouvelle étape controversée dans un dossier déjà explosif.
Départ nocturne et destination confidentielle
C’est dans la nuit du 13 au 14 avril 2025 que le capitaine Moussa Dadis Camara aurait quitté le sol guinéen, à bord d’un vol discret à destination du Maroc, selon des sources proches de son entourage.
Un départ en catimini, à peine deux semaines après la grâce présidentielle qui avait déjà fait grand bruit.
Selon des sources proches de l'ancien dictateur guinéen, son séjour au Maroc serait pour des raisons médicales.
Condamné le 31 juillet 2024 à 20 ans de réclusion pour crimes contre l’humanité dans le cadre du massacre du 28 septembre 2009, Dadis Camara avait été jugé responsable en tant que chef militaire de la sanglante répression d’un rassemblement pacifique.
Bilan de cette journée noire, selon les Nations unies : au moins 156 morts, 109 femmes violées, et des centaines de blessés.
Une grâce sous tension
La décision de grâce, annoncée dans un décret présidentiel le 28 mars dernier et motivée par des « raisons de santé », avait suscité de vives réactions dans le pays et au sein des ONG internationales.
Plusieurs associations de victimes avaient exprimé leur incompréhension, rappelant que « la justice avait enfin commencé à passer » dans un dossier emblématique de l'impunité en Guinée.
Selon le décret, la mesure avait été prise « sur proposition du ministre de la Justice », et l’exécution devait être suivie de près.
Pourtant, aucun détail officiel n’avait été communiqué sur le lieu de traitement médical prévu pour l’ancien dirigeant.
Des victimes toujours sans indemnisation
Alors que Dadis Camara s’envole vers un séjour médical au Maroc, les victimes du 28 septembre, elles, attendent toujours réparation.
Un décret parallèle publié début avril prévoit la « prise en charge des frais d’indemnisation », mais aucune somme n’a encore été versée aux 400 parties civiles identifiées.
Cette série d’événements relance le débat sur la volonté réelle des autorités de poursuivre le chantier de la justice transitionnelle, entamé en fanfare avec le procès historique ouvert en 2022, mais aujourd’hui fragilisé par cette clémence présidentielle.
Un avenir judiciaire flou
Avec ce départ vers l’étranger, même justifié médicalement, beaucoup s’interrogent sur la suite du processus judiciaire.
Moussa Dadis Camara, bien que gracié, reste un symbole de l’impunité de l’époque des juntes militaires.
Certains redoutent désormais que cette mesure soit le prélude à un abandon progressif des poursuites contre d’autres hauts responsables encore jugés.
Pendant ce temps, les familles endeuillées attendent toujours, non pas des gestes de clémence, mais des actes de justice et de réparation.
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