L’Agence américaine pour le développement international (USAID) n’existe plus. Le 1er juillet 2025, cette institution vieille de plus de 60 ans a été officiellement dissoute. Créée en 1961 par le président John F. Kennedy pour incarner la diplomatie humanitaire américaine, l’USAID a vu ses activités absorbées par le Département d’État, dans un tournant radical impulsé par l’administration actuelle.
Une fermeture décidée et assumée
C’est dans le cadre de la réforme dite “America First Foreign Aid Restructure”, soutenue par une majorité républicaine au Congrès, que l’USAID a été démantelée.
L’objectif affiché : réduire les dépenses fédérales, réorienter l’aide vers des intérêts stratégiques plus étroits, et limiter les abus présumés dans les circuits de financement.
La réforme s’est traduite par l’annulation de 83 % des programmes de l’agence, soit plus de 5 000 contrats internationaux, et la suppression de près de 94 % des emplois liés à l’agence.
Seule une fraction résiduelle – environ 18 % des projets – a été conservée, désormais gérée directement par le Département d’État.
Il s’agit principalement d’interventions dans des pays considérés comme des alliés stratégiques ou d’initiatives sanitaires urgentes.
Un choc pour le monde humanitaire
La fermeture de l’USAID ne se limite pas à un simple réagencement administratif.
Elle provoque une onde de choc dans tout le système de l’aide humanitaire mondiale.
Selon une étude publiée dans The Lancet, la disparition de l’agence pourrait entraîner jusqu’à 14 millions de morts supplémentaires d’ici 2030.
Ce chiffre alarmant repose sur l’arrêt brutal des financements destinés à des programmes de lutte contre le VIH/SIDA, le paludisme, la tuberculose, la malnutrition infantile ou encore les soins périnataux dans les pays à faible revenu.
En Afrique, en Amérique latine et en Asie, des centaines d’ONG partenaires de l’USAID se retrouvent privées de soutien.
Ce qui met fin à des décennies d’interventions dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture et de la gouvernance démocratique.
Une décision dénoncée de toutes parts
L’annonce de la fermeture de l’USAID a suscité une rare union entre anciens présidents démocrates et républicains.
Barack Obama et George W. Bush ont co-signé une lettre ouverte dans laquelle ils qualifient cette décision de “catastrophe stratégique et morale”.
Selon eux, « l’USAID représentait la face humaine de l’Amérique dans le monde. Sa disparition compromet notre crédibilité et affaiblit notre capacité à prévenir les conflits, contenir les pandémies et renforcer la démocratie. »
Même certains membres modérés du camp républicain se disent préoccupés par la perte d’influence diplomatique que cette décision pourrait engendrer, notamment face à la montée en puissance de l’aide chinoise et russe dans les zones où l’Amérique se retire.
Soupçons, polémiques et efficacité contestée
La fermeture de l’USAID intervient dans un climat de soupçons croissants autour de la gestion des fonds de l’agence.
Certains élus, comme le député républicain Scott Perry, ont récemment affirmé lors d’auditions parlementaires que des fonds de l’USAID auraient pu bénéficier indirectement à des organisations extrémistes comme Boko Haram ou Al-Qaïda, sans apporter de preuves irréfutables.
Ces accusations, bien qu’explosives, n’ont pas été étayées par des enquêtes officielles concluantes à ce jour.
D’autres critiques, plus anciennes, pointaient une certaine inefficacité bureaucratique, des chevauchements de programmes et des résultats peu mesurables dans certaines zones d’intervention.
Et maintenant ?
Pour l’instant, le Département d’État reprend les fonctions jugées “essentielles” : aide d’urgence, sécurité alimentaire, diplomatie sanitaire.
Mais les mécanismes de contrôle, les compétences techniques, et les réseaux d’acteurs locaux qui faisaient la force de l’USAID sont en partie démantelés.
De nombreux pays partenaires, notamment en Afrique subsaharienne, redoutent un vide humanitaire durable.
Plusieurs gouvernements et organisations internationales appellent déjà à la création de mécanismes de remplacement, à l’échelle régionale ou multilatérale, pour combler le vide laissé par l’agence américaine.
La disparition de l’USAID marque une rupture profonde dans l’histoire de la coopération internationale.
Plus qu’un simple changement de structure, c’est toute une vision de l’aide extérieure – fondée sur la diplomatie du développement – qui s’efface.
Les mois à venir diront si d’autres puissances mondiales prendront la relève… ou si le monde devra faire face à un recul sans précédent des efforts humanitaires coordonnés.
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