Une transition qui vire à l’ancrage militaire. Le Mali vient de franchir un cap décisif et controversé dans sa trajectoire politique.
Ce mardi 29 avril 2025, à l’issue de la "consultation des forces vives de la nation", une série de recommandations à effet immédiat a été rendue publique.
En tête de liste : la dissolution pure et simple de tous les partis politiques et l’élévation du général d’armée Assimi Goïta au rang de Président de la République pour un mandat renouvelable de cinq ans.
Un séisme institutionnel qui n’est pas sans rappeler le précédent instauré quelques semaines plus tôt… au Niger.
Une salle pleine, des idées tranchées
Réunis au Centre international de Conférence de Bamako, sous l’égide du Premier ministre, le général Abdoulaye Maïga, les participants ont déroulé leur projet.
Étaient présents, représentants politiques, société civile, diaspora et dignitaires locaux
Ensemble, ils ont entériné, sans véritable contradiction, un ensemble de recommandations qui redessinent radicalement l’architecture du pouvoir malien.
Officiellement, il s’agit de "relecture de la charte des partis politiques". Dans les faits, c’est une prise de contrôle politique totale par l’appareil militaire.
Dissolution des partis : le grand nettoyage
Les recommandations du premier axe sont sans appel : tous les partis politiques doivent être dissous.
Les critères de recréation sont drastiques : une caution de 100 millions FCFA, des représentations nationales obligatoires, une limite d’âge pour les dirigeants, et l’exclusion pure et simple des leaders religieux, chefs traditionnels et figures de la société civile de toute candidature.
Même le financement public est supprimé. L’objectif est clair : réduire la politique à un champ étroit, verrouillé, sous contrôle total.
Assimi Goïta, désormais président… à la nigérienne
Autre recommandation phare : l’officialisation d’Assimi Goïta comme Président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable, à partir de 2025.
Une mesure qui fait écho à celle du général Abdourahamane Tiani au Niger, qui a récemment dissous les syndicats des corps paramilitaires pour instaurer une discipline de fer.
Le parallèle est troublant : même rhétorique, même centralisation, même effacement progressif des contre-pouvoirs.
Dans les deux pays membres de l'Alliance des États du Sahel (AES), une même logique est à l’œuvre : remplacer les structures démocratiques par un pouvoir central fort, militarisé, appuyé par des "consultations populaires" organisées sous contrôle.
Et chaque initiative vient conforter une junte décidée à durer au pouvoir, malgré l’emballage de transition.
Fin de l’opposition, verrouillage total
La relecture de la charte de l’opposition politique propose de supprimer le poste de chef de file de l’opposition, considéré comme superflu.
Les ressources allouées à ce poste seraient redirigées vers des projets de développement.
Même la liberté de changer de parti en cours de mandat est désormais proscrite : le "nomadisme politique" est désormais criminalisé, avec des sanctions sévères pour les élus et les partis fautifs.
Le prix d’une présidentielle : 250 millions
La présidentielle, elle, reste au calendrier… mais devient inaccessible pour beaucoup.
Une caution de 250 millions FCFA est désormais exigée pour se présenter, avec un scrutin à un seul tour, un parrainage réglementé, et des autorisations obligatoires pour toute manifestation.
C’est une démocratie "sur mesure", taillée pour écarter toute concurrence sérieuse.
Une pente glissante vers l’autoritarisme assumé
Cette séquence malienne s’inscrit dans une dynamique plus large de reconfiguration du pouvoir dans le Sahel.
Ce qui était présenté comme une transition exceptionnelle devient progressivement un modèle alternatif assumé, où les militaires entendent exercer un pouvoir sans partage.
Et sous prétexte de refondation, les mécanismes de contrôle démocratique sont systématiquement désactivés.
Mais derrière les discours sur la souveraineté, la stabilité ou le développement, une réalité s’impose : la liberté politique est de plus en plus réduite à peau de chagrin.
À ce rythme, c’est moins une transition qu’une mutation durable vers un régime autoritaire qui prend forme, avec un habillage institutionnel soigneusement élaboré… et une inspiration directe du "modèle Tiani".
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