La garnison militaire de Termit, perdue dans les étendues sahariennes du nord-est nigérien, est devenue le théâtre d’un soulèvement spectaculaire. Depuis le 8 mai 2025, des centaines de soldats, abandonnés à eux-mêmes dans des conditions précaires, ont défié leur hiérarchie. À plus de 1 500 kilomètres de Niamey, cette mutinerie secoue profondément l’armée nigérienne et ébranle le régime du général Abdourahamane Tiani, président de la transition depuis le coup d’État du 26 juillet 2023.
Termit : le désert de la colère
Sous-alimentés, mal équipés, isolés du reste du pays, les soldats de Termit n’en peuvent plus.
L’éclatement de la mutinerie n’a été rendu public que le 12 mai, mais les faits remontent à cinq jours plus tôt.
Dans cette base avancée, la colère gronde depuis des semaines. L’exaspération s’est muée en insubordination : le commandant de la garnison a été arrêté par ses propres hommes, remplacé par un sergent-chef qui a pris la tête des insurgés.
En tentant de calmer les tensions, les autorités n’ont récolté que le désaveu. Le colonel-major Mamada Lamine, dépêché depuis Zinder, a été séquestré, tout comme le chef d’état-major adjoint de l’armée de terre, venu sur place le lendemain.
Ce dernier n’a pu repartir que porteur d’un message clair : les mutins exigent la venue du ministre de la Défense en personne.
Une armée au bord de la rupture
Ce soulèvement traduit un ras-le-bol généralisé dans les rangs militaires. De nombreux soldats déplorent l’indifférence de la haute hiérarchie, le manque de soutien logistique, et les retards de paiement qui les plongent dans l’humiliation.
Le sentiment d’être abandonnés dans une région hostile, sans moyens pour accomplir leur mission, nourrit une colère profonde et contagieuse.
La mutinerie de Termit met aussi en lumière le paradoxe d’un régime qui prône la rigueur militaire tout en négligeant sa propre troupe.
Car pendant que des soldats crient famine dans le désert, à Niamey, le général Tiani concentre son pouvoir et réprime les voix dissidentes, y compris parmi les forces de sécurité.
Tiani verrouille l'appareil sécuritaire
Le 9 avril 2025, dans un acte symbolique fort, le général Abdourahamane Tiani a dissous trois syndicats stratégiques liés aux corps paramilitaires : douanes, eaux et forêts.
Une décision justifiée par l’article 39 de la Charte de la refondation, qui interdit désormais toute activité syndicale dans les forces de défense et de sécurité.
Officiellement, il s’agit de préserver l’ordre et la discipline face aux menaces terroristes.
Officieusement, beaucoup y voient un verrouillage de l’appareil sécuritaire et une chasse préventive aux contestataires.
Ce coup de force syndical, sur fond de centralisation autoritaire, renforce la fracture entre la base militaire et la haute hiérarchie.
Car en supprimant ces rares espaces d’expression, le pouvoir prive les soldats d’un canal légal pour faire entendre leurs revendications.
Ce qui s’exprime aujourd’hui à Termit pourrait n’être qu’un premier signal d’alarme.
Silence inquiétant à Niamey
Face à cette crise inédite, la junte militaire garde le silence. Aucun communiqué, aucune prise de parole officielle, alors même que l’intégrité de l’armée est en jeu.
Cette mutinerie, si elle n’est pas contenue rapidement et intelligemment, risque de faire tache d’huile dans un pays où la stabilité repose largement sur la loyauté des forces armées.
Le Niger, confronté à des attaques djihadistes récurrentes, à une transition politique fragile et à l’isolement diplomatique, ne peut se permettre un tel ébranlement interne.
Le général Tiani, qui a fait du contrôle militaire un pilier de son pouvoir, se retrouve désormais face à un dilemme majeur : écouter les doléances de sa troupe, ou poursuivre la logique du bâton.
Mais à Termit, la peur a laissé place à la révolte. Et dans le désert nigérien, un mot d’ordre résonne : "Assez !"
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