Sénégal: un décret de Macky Sall refait surface
- Towanou Johannes
- Apr 15, 2024
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Dans les derniers jours de son mandat présidentiel, Macky Sall a promulgué un décret crucial élargissant les conditions d'attribution des passeports diplomatiques au Sénégal. Cette décision, survenue au milieu d'une transition politique, a suscité des débats et des réactions diverses au sein de la classe politique du pays.
Élargissement des bénéficiaires et modifications majeures
Le décret présidentiel n° 2024-843, signé par Macky Sall le 28 mars 2024, soit 4 jours après l'élection de Bassirou Diomaye Faye et 5 jours avant la prestation de serment de ce dernier, a marqué une évolution significative dans la politique d'octroi des passeports diplomatiques.
Il a abrogé et remplacé l'article premier du décret n°90-934 du 27 août 1990, en introduisant de nouvelles catégories de bénéficiaires :
Les ambassadeurs émérites et à la retraite ont désormais accès à ces documents.
Les députés de l’Assemblée nationale, étendant les droits précédemment limités aux membres du bureau de l’Assemblée et à leurs conjoints.
Les officiers généraux ainsi que les anciens chefs d’État, chefs de gouvernement, ministres et secrétaires d’État, ainsi que leurs conjoints, sont également concernés par cette extension des privilèges.
L'ancien Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, Mankeur Ndiaye, avait justifié ces modifications comme une adaptation nécessaire aux besoins actuels de la politique étrangère du pays.
Débats et réactions face aux changements
La réforme a été accueillie par une série de réactions, beaucoup voyant dans la plupart des décrets pris par l'ancien président, une façon de compliquer le debut d'exercice de son successeur.
Les nouvelles autorités sénégalaises ont commencé à restreindre l’usage des passeports diplomatiques par les anciens ministres et secrétaires d’État, une mesure qui a suscité des réactions variées.
Membre de l'APR, le parti de Macky Sall, la députée Adji Mergane Kanouté, en a fait les frais. Son passeport a été temporairement bloqué avant d'être rétabli en raison de son statut parlementaire en exercice. Via ses réseaux sociaux, elle a vivement critiqué ce qu’elle a perçu comme un manque de tact et de diplomatie de la part des nouvelles autorités.
Elle a souligné la nécessité d'une transition axée sur le développement, reconnaissant toutefois que les anciens ministres pouvaient toujours voyager avec un passeport ordinaire. Cette controverse illustre les tensions autour de la gestion de la transition politique et des privilèges associés aux anciens dignitaires de l'État sous Macky Sall.
Les non-dits du décret sur les passeports diplomatiques de Macky Sall
La promulgation du décret élargissant l'octroi des passeports diplomatiques par le Président Macky Sall, juste quelques jours avant la fin de son mandat présidentiel, soulève des préoccupations légitimes quant à la nature et à l'éthique de cette décision.
Distorsion des privilèges associés à la fonction
Les passeports diplomatiques sont traditionnellement réservés aux hauts fonctionnaires en activité, tels que les diplomates en service actif ou les représentants officiels de l'État en mission à l'étranger. L'attribution de ces documents confère des privilèges spécifiques, y compris des facilitations aux frontières et des immunités diplomatiques, qui sont intrinsèquement liés à la nature de la fonction occupée.
L'extension de ces avantages aux anciens hauts fonctionnaires, tels que les anciens ministres ou ambassadeurs à la retraite, va à l'encontre de cette logique. Une fois qu'un individu quitte son poste officiel, il devrait logiquement perdre les privilèges associés à ce poste, y compris l'accès au passeport diplomatique.
Le maintien de ces privilèges au-delà du mandat ou de la carrière officielle est discutable, car cela crée une distorsion entre les avantages et les responsabilités réelles.
Timing suspect et potentielles motivations politiques
Le moment choisi pour la promulgation de ce décret, juste avant la fin du mandat présidentiel de Macky Sall, soulève des questions sur les motivations sous-jacentes de cette décision. Les actions politiques majeures prises à la fin d'un mandat sont souvent soumises à une plus grande vigilance et à des interprétations critiques, en raison du potentiel de manipulations politiques ou de favoritisme.
En signant ce décret à la toute fin de son mandat, Macky Sall laisse peu de possibilités à son successeur pour revoir ou contester cette décision. Cela soulève des doutes sur l'objectivité de cette mesure, et peut alimenter les soupçons selon lesquels elle pourrait être motivée par des intérêts personnels ou politiques.
En conclusion, la concession continue des privilèges associés à la fonction à des anciens hauts fonctionnaires va à l'encontre du principe de limitation des avantages aux fonctions officielles en cours. De plus, le timing de cette décision soulève des questions sur ses motivations et son impartialité. Il est important de garantir la transparence et l'intégrité dans les politiques liées aux passeports diplomatiques, afin de préserver la confiance du public et l'équité dans l'octroi de ces privilèges.
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