Un géant français face à la justice pour financement du terrorisme
- Towanou Johannes
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Nous sommes le 4 novembre 2025, jour d’ouverture d’un procès historique à Paris.
La multinationale française Lafarge SA et plusieurs de ses anciens dirigeants comparaissent devant la justice pour financement du terrorisme et violation de sanctions internationales.
Au cœur de l’affaire : des millions d’euros versés entre 2012 et 2014 à des groupes armés en Syrie, dont l’État islamique, pour maintenir à tout prix l’activité d’une usine.
Un procès inédit pour une multinationale française

C’est une première dans l’histoire judiciaire française. Jamais une entreprise de cette envergure n’avait été poursuivie pour financement du terrorisme.
Le tribunal de Paris examine le rôle de Lafarge dans le chaos syrien, notamment à travers sa filiale Lafarge Cement Syria (LCS), installée à Jalabiya, dans le nord du pays.
Entre 2012 et 2014, alors que la guerre civile faisait rage, l’entreprise aurait versé jusqu’à 13 millions d’euros, soit 8 milliards 527 millions 441 mille francs CFA à des groupes armés, dont Daech, afin de continuer à exploiter son usine.
Ces versements auraient pris la forme de « droits de passage » ou de « frais de sécurité » permettant le transport de ciment et de matériaux dans une région dévastée par les combats.
Des dirigeants sur le banc des accusés
Aux côtés de la société Lafarge SA, huit anciens dirigeants sont également jugés.
Parmi eux, Bruno Lafont, ex-PDG du groupe, ainsi que Christian Herrault, ancien directeur général adjoint chargé des opérations en Syrie.
D’autres cadres opérationnels, responsables de la sûreté et intermédiaires syriens, sont aussi impliqués.
Tous sont accusés d’avoir pris part, directement ou indirectement, à un système de financement qui aurait permis à des groupes terroristes de prospérer en échange du maintien de la production.
Un dilemme entre sécurité et profit
Lafarge justifie son maintien en Syrie par la volonté de protéger ses employés et de préserver un outil industriel majeur.
Ceci, alors que d’autres entreprises avaient choisi de quitter le pays dès 2012.
Mais pour le parquet, cet argument ne tient pas : l’entreprise aurait eu « le choix de partir » et a sciemment pris le risque de traiter avec des organisations armées, au mépris des sanctions internationales.
Le maintien de l’usine de Jalabiya, acquise en 2008 pour plus de 680 millions de dollars ( plus de 387 milliards de francs CFA), est désormais perçu comme le symbole d’une logique économique poussée jusqu’à l’absurde.
Une bataille judiciaire à forte portée symbolique
Le procès, prévu pour durer jusqu’au 16 décembre 2025, s’annonce déterminant pour la jurisprudence française.
Il pose une question centrale : une entreprise peut-elle être tenue pénalement responsable de ses actes à l’étranger, dans un contexte de guerre ?
La défense entend plaider la contrainte et l’extorsion, tandis que les associations parties civiles, comme Sherpa et ECCHR, dénoncent une « complicité économique avec le terrorisme ».
Pour elles, ce procès représente une avancée majeure dans la lutte contre l’impunité des entreprises opérant dans des zones de conflit.
Le symbole d’une justice qui s’internationalise
Au-delà du cas Lafarge, cette affaire redéfinit les contours de la responsabilité pénale des multinationales.
Elle interroge le rôle moral et juridique des grandes entreprises confrontées à la guerre.
Peuvent-elles invoquer la survie économique pour justifier des compromis avec des groupes armés ?
La réponse de la justice française aura une portée mondiale.
Elle pourrait ouvrir la voie à d’autres poursuites contre des sociétés accusées d’avoir, directement ou non, alimenté des conflits au détriment des droits humains.
Un tournant pour le monde des affaires
Lafarge, déjà condamnée en 2022 aux États-Unis pour des faits similaires, voit aujourd’hui son image à nouveau écornée.
Le groupe plaide la méconnaissance des agissements de sa filiale, mais les juges devront déterminer s’il s’agit d’une simple négligence… ou d’une stratégie délibérée.
Quoi qu’il en soit, ce procès symbolise un message clair envoyé aux géants industriels : aucun intérêt économique ne saurait justifier la compromission avec le terrorisme.









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