La transition dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré semble, une fois encore, au cœur d’une tourmente venue non pas de l’extérieur, mais du sein même de l’armée. Une série d’arrestations d’officiers supérieurs relance les soupçons persistants de tentatives de déstabilisation récurrentes. Et dans ce théâtre d’ombres, le régime ne cache plus ses craintes face à une menace intérieure qui ne désarme pas.
Des officiers arrêtés, une armée sous tension
Les autorités burkinabè ont récemment procédé à l’interpellation de plusieurs figures de l’institution militaire.
Le Magistrat Commandant Frédéric Ouédraogo, ancien Chef de Corps de la justice militaire, a été arrêté dans le cadre d’une enquête liée à une tentative de déstabilisation du régime.
Il aurait été en lien avec un plan subversif, que les enquêteurs décrivent comme « soigneusement préparé ».
Le capitaine Elysée Tassembedo, Chef de Corps à Ouahigouya, fait également partie des personnes arrêtées.
Deux autres officiers du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), dont les noms ne sont pas encore officiellement confirmés, ont été placés en détention.
Tous sont soupçonnés d’avoir été enrôlés dans un projet de sabotage institutionnel.
Un ancien DG de la SONABHY au cœur du complot présumé
Le nom qui revient avec insistance dans ce nouveau coup de filet est celui de l’ancien Directeur général de la SONABHY, actuellement en exil.
Selon les premières révélations, il aurait tenté de mobiliser certains officiers de l’armée encore actifs, leur demandant expressément de « passer à l’acte ». Une expression qui laisse peu de place à l’interprétation.
Ce n’est pas la première fois que cet ancien haut cadre de l’administration est mentionné dans des affaires similaires.
Son exil n’aurait visiblement pas refroidi ses ambitions, bien au contraire. Ce qui interroge sur les réseaux de complicité dont il pourrait encore bénéficier au sein même de l’appareil militaire et administratif.
Des figures déjà connues dans la ligne de mire
Au fil des mois, les autorités de transition ont souvent désigné les mêmes ennemis de l’intérieur : Djibril Bassolé, Paul-Henri Damiba, et d’autres figures de l’ancien système, tous soupçonnés d’œuvrer dans l’ombre pour affaiblir le régime actuel.
Des accusations graves, qui pour l’instant reposent souvent sur des recoupements d’informations sécuritaires, mais rarement sur des preuves judiciaires rendues publiques.
Il est donc légitime de s’interroger : la transition est-elle réellement visée par des conspirations répétées, ou s’agit-il d’un climat de suspicion généralisée dans lequel tout dissident devient suspect ?
La révolution à l’épreuve de ses démons
Ce climat de paranoïa sécuritaire alimente l’idée d’un pouvoir en perpétuelle légitime défense.
Et pourtant, c’est bien sous ce même prétexte que d’anciens régimes ont vacillé : confondre opposition, critique, divergence stratégique et tentative de putsch.
L’appel à la vigilance citoyenne, aussi louable soit-il, ne doit pas servir de paravent à une chasse aux sorcières permanente.
Car la révolution que prône le capitaine Traoré, si elle veut rester fidèle à ses promesses de rupture, ne pourra triompher dans la répression aveugle ou la peur organisée.
C’est par la justice, la transparence et la rigueur dans les enquêtes que la vérité et la stabilité s’imposeront.
Le peuple burkinabè mérite une transition forte, certes, mais juste. Une transition sécurisée, certes, mais libre. Une révolution vraie, pas une illusion militarisée.
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