Le 28 mai 1975, à Lagos, au Nigeria, naissait la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avec pour ambition de rassembler les peuples et les économies d’une région marquée par la diversité mais unie par une destinée commune. Cinquante ans plus tard, cette organisation régionale compte parmi les plus influentes du continent africain. À l’occasion de ce cinquantenaire, retour sur cinq grands rôles qui ont façonné la CEDEAO et renforcé sa légitimité en Afrique de l’Ouest.
Intégration économique : un espace régional en construction
L’un des objectifs fondateurs de la CEDEAO est la création d’un marché commun ouest-africain.
Pour y parvenir, elle a promu la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux à travers ses États membres.
Le Protocole sur la libre circulation, adopté en 1979, a permis à des millions de citoyens ouest-africains de voyager, de travailler et de commercer sans visa à l’intérieur de la région.
Cette dynamique a aussi stimulé les échanges intra-régionaux et renforcé la coopération économique, même si des obstacles douaniers et logistiques subsistent encore.
Préservation de la paix : une force régionale proactive
Au fil des décennies, la CEDEAO a acquis une réputation de médiateur et d’acteur de stabilisation dans une région souvent secouée par des conflits armés ou des crises institutionnelles.
Sa Force en attente (ECOMOG), créée dès les années 1990, est intervenue au Liberia, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire et plus récemment en Gambie, pour contenir les violences et faciliter les transitions politiques.
En plus de son bras militaire, la CEDEAO a régulièrement mobilisé des diplomates de haut niveau pour engager des négociations en faveur de la paix.
Son rôle de garant de la stabilité régionale reste fondamental, surtout dans un contexte de menaces persistantes comme le terrorisme ou les tensions politiques.
Défense de la démocratie : une ligne de conduite affirmée
Si les coups d’État ont longtemps jalonné l’histoire de l’Afrique de l’Ouest, la CEDEAO s’est progressivement imposée comme une vigie de la démocratie.
L’Acte additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, adopté en 2001, interdit clairement les changements de régime anticonstitutionnels.
L’organisation a ainsi condamné plusieurs putschs récents et suspendu certains États membres pour non-respect de l’ordre constitutionnel.
Par ailleurs, elle joue un rôle actif dans l’observation électorale, l’accompagnement des transitions démocratiques et la médiation entre acteurs politiques en période de crise.
Développement régional : une vision concrète du progrès
Au-delà de la politique et de la sécurité, la CEDEAO se veut aussi un moteur de développement.
Elle coordonne des projets dans des secteurs stratégiques comme l’énergie, les infrastructures, l’agriculture, la santé et l’éducation.
Le programme d’électrification régionale, les corridors de transport transfrontaliers ou encore les initiatives sanitaires pendant la pandémie de COVID-19 illustrent son engagement en faveur d’un développement intégré et durable.
En s’attaquant aux inégalités et aux déficits de développement, la CEDEAO cherche à améliorer concrètement les conditions de vie des populations de ses 15 États membres.
Solidarité régionale : une réponse collective aux défis communs
Face aux crises majeures, la CEDEAO a souvent montré sa capacité à agir collectivement.
Qu’il s’agisse de répondre aux pandémies, de soutenir les pays touchés par des catastrophes naturelles ou de lutter contre le terrorisme, l’organisation a su mobiliser les États membres autour d’un objectif commun.
Cette solidarité a aussi une dimension symbolique : elle réaffirme l’idée que le sort de chaque pays ouest-africain est indissociable de celui de ses voisins.
Un demi-siècle d’existence, et maintenant ?
Cinquante ans après sa fondation, la CEDEAO est à la croisée des chemins. Si elle a accompli des progrès remarquables dans l’intégration régionale, la paix et le développement, elle fait aujourd’hui face à des défis redoutables : repli souverainiste de certains États, multiplication des coups d’État, tensions internes sur la gouvernance régionale, et attentes grandissantes des populations.
À l’heure du cinquantenaire, la question est donc claire : la CEDEAO saura-t-elle se réinventer pour répondre aux aspirations d’une jeunesse majoritaire, d’une société civile en éveil et d’une région en quête de souveraineté ?
L’histoire de la CEDEAO n’est pas figée. Ce jubilé d’or doit être l’occasion d’une refondation audacieuse, pour qu’elle continue d’incarner l’unité, la résilience et l’espoir d’une Afrique de l’Ouest debout.