Côte d'Ivoire: pour le pouvoir, Tidjane Thiam reste ivoirien mais...
- Towanou Johannes
- Apr 29
- 3 min read

La Côte d’Ivoire entre dans une zone de fortes turbulences politiques. L’éviction de Tidjane Thiam, président du PDCI et candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre 2025, a fait l’effet d’une bombe. La semaine dernière, le tribunal de première instance d’Abidjan a ordonné sa radiation de la liste électorale, estimant qu’il n’était pas ivoirien au moment de son inscription en 2022. Une décision qui le rend de facto inéligible, et qui suscite colère, indignation et mobilisation dans les rangs de l’opposition.
Le PDCI monte au front : "Pas de plan B"
Lundi 28 avril, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), plus que jamais mobilisé, a annoncé avoir saisi la justice pour contester cette radiation.

L’un de ses avocats, Me Luc Adje Kacou, a déclaré lors d’une conférence de presse :
« J’ai ici un premier recours que nous avons exercé ce matin auprès du président du tribunal du Plateau, à Abidjan. »
Faute de possibilité de recours sur le fond, la défense attaque sur la forme, dénonçant une procédure viciée. Selon Me Adje Kacou,
« le juge a omis de communiquer sa décision au ministère public, ce qui constitue une irrégularité grave. »Il demande donc un nouveau procès avec un juge différent.
Du côté de la direction du parti, la position est claire, tranchée, inflexible.
Le porte-parole du PDCI, Soumaïla Bredoumy, a martelé :
« Le maintien sur la liste électorale de Tidjane Thiam est non négociable. Il n’y a pas de plan B. »
Le régime invoque la loi, mais le timing interroge
Face à la pression, les autorités judiciaires ivoiriennes ont tenté de justifier leur position.
Lors d’une conférence de presse organisée le même jour, Augustin Kouamé, directeur des Affaires civiles et pénales au ministère de la Justice, a expliqué que Tidjane Thiam, naturalisé français en 1987, avait perdu sa nationalité ivoirienne conformément à l’article 48 du Code de la nationalité, datant de l’époque postcoloniale.
Ce même article stipule que l’acquisition d’une nationalité étrangère entraîne automatiquement la perte de la nationalité ivoirienne, sauf déclaration contraire dans les délais.
Une disposition jugée obsolète par plusieurs juristes, mais que le pouvoir utilise aujourd’hui à la lettre pour disqualifier un opposant majeur.
Le ministère reconnaît toutefois que Thiam a renoncé à sa nationalité française en mars 2025 et a donc recouvré sa nationalité ivoirienne, car il était « ivoirien par le sang, né sur le territoire ».
Mais cette reconnaissance tardive ne suffit pas :
« Au moment où il s’inscrivait sur la liste électorale, il n’avait pas encore abandonné son allégeance à la France », ont insisté les autorités.
Un acharnement politique déguisé ?
Pour nombre d’observateurs, cette interprétation stricte et rétroactive de la loi sent la manœuvre politique à plein nez.
L’enjeu est clair : empêcher la candidature de Thiam, leader charismatique fraîchement élu à la tête du PDCI, dont la popularité grandissante et le profil international en faisaient un adversaire sérieux pour Alassane Ouattara.
« Cette affaire révèle à quel point le pouvoir en place instrumentalise la justice pour se débarrasser de ses concurrents politiques », affirme un analyste basé à Abidjan.
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