À trois mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, la voix de l’icône du reggae ivoirien, Tiken Jah Fakoly, secoue le paysage politique ivoirien. Dans une vidéo largement relayée sur Facebook, l’artiste s’est adressé directement au président Alassane Ouattara, dans un message fort qui fait écho à une profonde inquiétude démocratique.
"Si Gbagbo ne peut pas, alors toi non plus"
« J’ai un message que je voudrais adresser solennellement au président de la République actuelle », lance Tiken Jah, face caméra, le ton grave.
« Je pense que si le président Laurent Gbagbo n’est pas candidat, il est important que lui-même ne soit pas candidat. »
Cette prise de parole intervient alors que plusieurs figures politiques majeures de la scène ivoirienne sont écartées du processus électoral, au moment où la question d’un éventuel 4ᵉ mandat pour Ouattara divise le pays.
Une vague d’exclusions inquiétante
Tiken Jah Fakoly ne cite pas que Gbagbo. Il évoque également, en filigrane, une situation plus globale qui fragilise la légitimité du scrutin à venir.
En effet, plusieurs personnalités politiques majeures sont déjà éliminées de la course présidentielle.
Laurent Gbagbo, ancien président, reste inéligible malgré son retour triomphal au pays, en raison d’une condamnation nationale.
Guillaume Soro, ex-Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale, est en exil et frappé d’une condamnation à perpétuité par contumace.
Charles Blé Goudé, ancien leader des Jeunes Patriotes et compagnon de lutte de Gbagbo, a vu sa demande de réintégration sur la liste électorale rejetée.
Tidjane Thiam, ancien patron du Crédit Suisse, dont le retour en politique via le PDCI avait suscité beaucoup d’espoir, a lui aussi été écarté pour un problème de nationalité.
Cette série d’exclusions alimente un climat de suspicion et de crispation, donnant le sentiment d’un processus électoral verrouillé.
Le flou entretenu par Ouattara
Pendant ce temps, Alassane Ouattara entretient le suspense. Officiellement, il n’a pas encore déclaré sa candidature.
Toutefois, ses récentes déclarations ne laissent guère de doute sur sa disponibilité :
« Je suis en bonne santé. Je travaille plus de 10 heures par jour. »
Le RHDP, son parti, multiplie les appels pour qu’il se présente à nouveau, évoquant un « deuxième mandat de la 3ᵉ République », la Constitution ayant été révisée en 2016.
Mais pour de nombreux Ivoiriens, ce serait bel et bien un quatrième mandat, et un signal de plus vers une présidence sans fin.
Un cri d’alarme pour l’avenir démocratique
En dénonçant cette asymétrie dans le traitement des candidatures, Tiken Jah Fakoly ne parle pas seulement de Gbagbo : il met en garde contre un processus électoral biaisé, où les voix dissonantes sont systématiquement éliminées.
« Si un seul camp peut présenter ses candidats, ce n’est plus une démocratie », entend-on dans les discussions sur les réseaux sociaux.
L’artiste, fidèle à ses engagements panafricains et à sa vision d’une Afrique des peuples, rappelle par ce geste que la stabilité d’un pays dépend aussi de la justice et de l’équité électorale.
Une présidentielle sous tension
Alors que la Commission électorale indépendante finalise la liste des candidats, le climat reste incertain.
Aucune réaction officielle du gouvernement ou du président Ouattara n’a encore été formulée en réponse au message de Tiken Jah.
Mais l’alerte est claire : à ce rythme, la Côte d’Ivoire risque une présidentielle sans véritable opposition, une situation déjà vue par le passé, avec les conséquences que l’on connaît.
Un reggae devenu miroir de la République
Dans une Côte d’Ivoire en quête d’alternance, Tiken Jah Fakoly ne chante pas seulement pour distraire.
Il invoque la conscience nationale, interpelle les décideurs et rappelle, une fois encore, que l’artiste peut être la voix du peuple.
La démocratie n’est pas un décor, elle est un équilibre. Et quand une balance penche trop d’un côté, il faut des voix fortes pour la redresser.
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