Plus qu’un État en crise, le Burkina Faso vit aujourd’hui un paradoxe déchirant : un récit soigneusement ficelé gonflé de propagande et de désinformation, face à une réalité tangible de souffrance humaine, de déclin économique et d’insécurité irrépressible.
Quand la propagande défie la réalité
Au sommet de ce décalage se trouve Ibrahim Traoré, devenu chef du pays après un coup d’État en septembre 2022.
De son camp, sous la houlette de ses frères, une machine de communication ultra-moderne propulse un transformationnisme assumé.
Comparé à Sankara, politisé anti-occidentalisme, célébré comme leader régional, le tout grâce à des soutiens bidons, Beyoncé, Rihanna, voire un pape fictif, rendus crédibles par la magie de l’intelligence artificielle numérique.
Ce récit aseptisé est donc une construction soigneuse : alternatif à la presse libre, opposé à la CEDEAO et aux Occidentaux, et en quête d’une légitimité nouvelle via un partenaire de choix : la Russie.
Le sang efface les mirages
Pourtant, la réalité est implacable. Depuis la prise de pouvoir, les morts dus au terrorisme islamiste ont pratiquement triplé.
Entrent en scène les attaques terribles de Barsalogho, Djibo et Nassougou, bilan atroce de centaines de victimes civiles et militaires.
Les forces gouvernementales sont de plus en plus battues sur leur terrain : quatre combats islamistes pour un combat loyaliste.
Les massacres touchent désormais aussi la population, avec des exécutions massives de civils et des embuscades meurtrières contre les soldats.
Et ce rythme ne ralentit pas, loin de là. Les forces de défense, avec les milices civiques VDP, sont responsables d’exactions dans un contexte de représailles sanglantes, alimentant un cercle infernal.
Économie en chute libre, espoir en sursis
L’économie du Burkina, dominée par l’or, souffre de la violence. Une baisse continue de la production est imputée à l’insécurité et à la fermeture de plusieurs mines.
Même si les prix mondiaux de l’or ont bondi, les revenus réels du pays s’effondrent.
Le coton, autre clé de voûte économique, s’effondre lui aussi, victime de la fuite des agriculteurs.
Les investisseurs étrangers se retirent et la réputation du pays se dégrade, accentuant un climat de méfiance économique généralisée.
Une crise humaine sans précédent
La crise humanitaire grandit à vue d’œil. Avec plusieurs millions de déplacés internes et des milliers de réfugiés vers les pays voisins, le pays vit un déracinement massif.
La fermeture de milliers d’écoles prive deux millions d’enfants de scolarité.
L’absence de soins de santé se traduit par la fermeture de centaines de centres médicaux et la propagation d’épidémies de rougeole, polio, hépatite E ou fièvre jaune, qui menacent une génération entière.
Un gouffre entre la communication et le réel
Les chiffres exposés démontrent l’inadéquation totale entre les discours triomphalistes et la catastrophe sur le terrain.
La junte cherche à verrouiller la presse, museler les ONG, envoyer journalistes et juristes « enregistrer » leur peine au front.
Ce symbole d’un régime dans sa fuite en avant illustre une volonté de cacher la vérité plutôt que de la réparer.
Derrière cette déformation de l’histoire se profile l’influence étrangère, qui investit dans la désinformation pour consolider une présence stratégique en Afrique.
Traoré devient un relais local d’un discours autoréférentiel, déconnecté des souffrances quotidiennes.
Conclusions : un pays étouffé
Le Burkina Faso est aujourd’hui le miroir d’un pays privé de sa propre voix, où le récit vise moins à inspirer qu’à effacer.
Le mythe du leader providentiel fait face à l’épreuve du sang, de la peur, de l’abandon économique.
Il est urgent d’exposer ce décalage. La gouvernance ne peut reposer sur la narration seule.
Pour que renaissent la sécurité, l’économie et l’humanité, il faut renouer avec la vérité, porter la souffrance au grand jour, et engager une action où l’aide, la réforme et la paix se rejoignent.
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