La tension remonte entre deux figures majeures de la justice congolaise. Le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, a officiellement saisi le Bureau de l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire de Constant Mutamba, ministre de la Justice et député, afin de le poursuivre pour des faits présumés de mauvaise gestion d’un fonds public de 19 millions de dollars. Une somme qui aurait été allouée pour la construction d’une prison à Kisangani, dans la province de la Tshopo.
Une Assemblée prête à collaborer
Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, n’a pas tardé à réagir.
Il affirme que l’institution ne fera "aucun obstacle à la justice" et se dit disposé à accéder au réquisitoire du procureur Mvonde.
Une posture qui place désormais la balle dans le camp de la commission compétente pour décider du sort de l’immunité du ministre.
Conflit personnel ou volonté de justice ?
Mais derrière cette procédure judiciaire, se cache un passif tendu.
En novembre 2024, Constant Mutamba, alors nouvellement nommé à la Justice, avait lancé une enquête sur l’acquisition présumée frauduleuse d’un bien immobilier d’une valeur de 900 000 dollars attribué… au procureur Mvonde lui-même.
Un acte qui avait ravivé un conflit déjà latent entre les deux hommes. Depuis, les désaccords se sont multipliés.
Le ministre a souvent été accusé d’outrepasser les compétences des magistrats.
En retour, Mutamba dénonçait une justice politisée et résistante à la réforme.
Il aura fallu une médiation présidentielle, en la personne de Félix Tshisekedi, pour calmer les esprits et appeler à une "collaboration institutionnelle respectueuse".
Réforme contre résistance ?
Ce nouvel épisode judiciaire relance le débat sur la frontière fragile entre lutte contre la corruption et règlement de comptes politiques.
D’un côté, Constant Mutamba incarne la ligne dure d’un gouvernement qui promet assainissement et réformes.
De l’autre, Firmin Mvonde défend une justice indépendante, mais dont l’impartialité est parfois contestée.
Cette demande de levée d’immunité intervient également dans un contexte politique tendu, après la condamnation d’Augustin Matata Ponyo à 10 ans de prison et l’arrestation de l’ex-ministre Martin Kabwelulu.
Une séquence qui renforce les soupçons d’une offensive ciblée contre les figures de l’ancien régime ou les voix critiques.
Un test pour l’État de droit
Le cas Mutamba pourrait bien devenir un test majeur pour l’État de droit en RDC.
Si les faits reprochés sont avérés, il appartiendra à la justice de les établir avec rigueur.
Mais si l’affaire s’avère teintée de motivations politiques, elle risque d’accentuer la méfiance déjà forte envers le système judiciaire.
En attendant, c’est toute la scène politique congolaise qui observe ce duel, entre deux hommes puissants, à l’heure où le pays tente de restaurer sa crédibilité institutionnelle.
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