Bénin/Niger : la décision surprise de Patrice Talon

Patrice Talon / Président du Bénin

En pleine tempête diplomatique entre Cotonou (capitale économique) et Niamey, le Bénin tente une initiative qui pourrait bien brouiller encore un peu plus les cartes.

Le ministre béninois des Affaires étrangères, Olushegun Adjadi Bakari, a annoncé ce dimanche 1er juin sur Bip Radio qu’un nouvel ambassadeur sera bientôt nommé au Niger.

Une déclaration qui intrigue, alors que la frontière entre les deux pays reste hermétiquement fermée et que les accusations de Niamey à l’égard de Cotonou se durcissent.

« Nous allons dans les jours qui viennent, procéder probablement à la nomination d’un nouvel ambassadeur », a indiqué le chef de la diplomatie béninoise, sans pour autant clarifier le sort de Gildas Agonkan, ancien ambassadeur au Niger rappelé en février dernier.

Officiellement, ce dernier a depuis été désigné ambassadeur au Burkina Faso, autre partenaire stratégique dans le contexte du Sahel.

Une tentative de décrispation ambiguë

Cette initiative béninoise intervient au lendemain d’une sortie musclée du président nigérien, le général Abdourahamane Tiani.

Celui-ci a réaffirmé que les tensions avec le Bénin ne sont pas motivées par une hostilité entre peuples frères, mais par la présence, selon ses propos, de « troupes françaises de déstabilisation » sur le territoire béninois.

« La frontière restera fermée tant que le Bénin ne comprendra pas que le combat que nous menons ce n’est pas contre le Bénin que nous le faisons, mais contre les troupes françaises », a martelé Tiani.

Une position qui met en lumière l’impasse actuelle : tandis que le Bénin semble vouloir maintenir une façade diplomatique classique, le Niger ne cache plus sa méfiance vis-à-vis des intentions réelles du Bénin.

Une nomination qui ne suffira pas à apaiser les tensions

La volonté de nommer un nouvel ambassadeur pourrait être perçue comme un signal d’ouverture.

Mais dans un contexte où les accusations fusent et les griefs s’accumulent, cette décision risque d’être insuffisante, voire contre-productive, si elle n’est pas accompagnée de gestes plus concrets.

Car au-delà de la représentation diplomatique, le cœur du différend reste profondément géopolitique.

Pour le Niger, le Bénin est devenu, de facto, une plateforme logistique pour la France, contre laquelle Niamey a engagé une rupture frontale.

Toute nomination, aussi diplomatique soit-elle, pourrait être interprétée comme une tentative de normalisation artificielle, sans prise en compte du fond du malaise.

Le défi d’un dialogue sincère dans un climat délétère

Ce nouvel épisode met à nu les contradictions du moment : d’un côté, le Bénin affiche une posture institutionnelle et modérée ; de l’autre, le Niger revendique une ligne souverainiste intransigeante, en guerre ouverte contre les influences étrangères.

Entre les deux, les populations frontalières, les commerçants, et les transporteurs continuent de payer le prix fort de cette crise.

En l’état, la nomination d’un nouvel ambassadeur pourrait être un acte isolé dans un dialogue de sourds.

Sans changement de posture stratégique, ni reconnaissance mutuelle des préoccupations profondes, il est peu probable qu’un diplomate seul puisse rétablir les ponts.

Le véritable chantier reste celui d’un dialogue franc, débarrassé des faux-semblants, où les intérêts des peuples primeront sur les alliances opaques et les querelles d’influence.