
Face à la montée des mouvements anti-français dans ses anciennes colonies d’Afrique francophone, Paris amorce une réorientation stratégique majeure en renforçant ses relations avec les pays anglophones du continent. Cette approche, qui inclut des partenariats économiques et diplomatiques renforcés, semble répondre à l’effritement de l’influence française dans ses bastions traditionnels.
Une vague de ruptures dans les pays francophones
Le 28 novembre 2024, le Tchad a officiellement annoncé la fin de son accord militaire avec la France, mettant un terme à 66 ans de coopération sécuritaire.
Cette décision historique, annoncée alors que le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot était en déplacement à N’Djamena, illustre l’évolution des relations entre Paris et ses anciens partenaires francophones.
En effet, le Tchad rejoint ses voisins du Sahel, qui avaient pour la plupart, choisi de s'affranchir de la tutelle française, depuis un moment.
Le Mali, le Faso et le Niger avaient choisi de dénoncer les accords coloniaux avec la France et pris leurs distances d'avec Paris au profit de nouveaux partenaires stratégiques comme la Russie.
À ces pays, il faut désormais ajouter le Sénégal où le président Bassirou Diomaye Faye a également appelé au départ des quelque 350 soldats français stationnés dans le pays, affirmant que leur présence ne correspondait plus à « la conception de la souveraineté et de l’indépendance » du Sénégal.
Le tournant vers les pays anglophones
Dans ce contexte, la France intensifie ses efforts pour développer des relations bilatérales solides avec des nations anglophones comme le Nigeria, la plus grande économie d’Afrique.
Jeudi 28 et vendredi 29 novembre, Paris a déroulé le tapis rouge au président Bola Tinubu pour une visite d'État, la première d'un président nigérian depuis 2000.
À Paris, le président nigérian est arrivé avec la plupart de ses ministres importants ainsi que plusieurs hommes d'affaires du Nigeria dont Aliko Dangote ou encore Tony Elumelu.
Emmanuel Macron considère ce partenariat comme stratégique pour réorienter la politique africaine de la France, particulièrement dans un contexte marqué par une perte d'influence en Afrique francophone.
Le Nigeria, avec ses 220 millions d'habitants et un secteur privé florissant, reste un acteur incontournable du continent.
Paris bénéficie d’une relation bilatérale décomplexée, sans passif colonial, facilitée par des intérêts économiques solides.
L'an dernier, le Nigeria représentait 20 % des échanges commerciaux de la France en Afrique subsaharienne, avec plus de 100 entreprises françaises opérant dans des secteurs clés tels que l'énergie, les télécommunications et la santé.
Le rapprochement franco-nigérian s'est aussi concrétisé par la réunion du Conseil d'affaires franco-nigérian à l'Élysée, où des représentants d’une vingtaine d’entreprises ont discuté des opportunités d’investissements.
La veille, United Bank for Africa (UBA), l'une des principales institutions financières du Nigeria, a ouvert une succursale à Paris, marquant une étape clé dans l’ancrage stratégique de la France au Nigeria.
Sur le plan sécuritaire, la France soutient les efforts du Nigeria contre les menaces djihadistes, notamment à travers la Force multinationale mixte autour du lac Tchad.
Cette coopération multiforme reflète la volonté d'Emmanuel Macron de repositionner la France comme un partenaire incontournable, capable d’accompagner un Nigeria confronté à des défis majeurs, mais doté d’un potentiel économique exceptionnel.
Une stratégie qui se veut symbolique
Le président Emmanuel Macron a multiplié les gestes symboliques pour démontrer que la politique africaine de la France ne se limite plus à son pré carré francophone.
Cette diversification s’inscrit dans une stratégie globale visant à redéfinir le rôle de Paris en Afrique, en tenant compte des mutations géopolitiques et des aspirations des pays du continent.
Le Ghana illustre parfaitement cette stratégie. Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a été élevé, le 14 novembre dernier, au rang de Grand Officier de la Légion d’Honneur lors d’une cérémonie à Paris.

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