Mali, Niger et Faso réclament une coopération internationale sous conditions
- Towanou Johannes
- 2 days ago
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L'Alliance des États du Sahel (AES), réunissant le Burkina Faso, le Mali et le Niger, a lancé un appel appuyé au Conseil de sécurité de l’ONU pour relancer la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest.
Lors de cette prise de parole, le représentant permanent du Mali à New York, Issa Konfourou, a insisté sur la nécessité d’une coopération régionale et internationale respectueuse de la souveraineté des États sahéliens.
Mais derrière ce discours solide, plusieurs analystes soulignent des contradictions importantes et des obstacles structurels qui rendent l’action de l’AES moins cohérente qu’il n’y paraît.
Une demande légitime… mais qui masque des failles
Issa Konfourou a déclaré que les attaques terroristes en cours dans la région ne se limitent pas à un problème militaire, mais qu’elles relèvent aussi d’un « terrorisme économique » soutenu, selon lui, par des acteurs étrangers.
Il a justifié l’existence de l’AES comme un instrument par lequel le Mali, le Niger et le Burkina Faso peuvent reprendre le contrôle sur leur destin : « mutualiser défense, diplomatie et développement » face à une menace qu’ils refusent de subir passivement.
L’AES insiste sur un cadre de coopération fondé sur un dialogue véritable, sans « ingérences hostiles, sanctions illégales ou pressions militaires ».
Konfourou réaffirme la détermination de l’Alliance à poursuivre le combat contre l’extrémisme violent, en rendant hommage aux forces de défense et de sécurité des trois pays qui luttent « quotidiennement » contre la fragmentation et la violence.
Des ambitions sécuritaires réelles… mais limitées par les ressources
Toutefois, la viabilité de cette stratégie souverainiste est sujette à grandes interrogations.
La Fondation pour la Recherche Stratégique note que l’AES ambitionne la mise en place d’opérations conjointes et la coordination transfrontalière, notamment dans le cadre d’un « cadrillage » militaire des zones vulnérables.
Mais la mise en œuvre semble encore loin d’être opérationnelle.
En effet, malgré l’annonce d’une force conjointe par le ministre malien des Affaires étrangères (5 000 soldats), les défis logistiques, le déficit en équipements lourds et le renseignement restent majeurs.
Par ailleurs, l'exercice d’une lutte collective est entravé par un financement qui, selon des analystes, n’est pas clairement assuré.
Les contributions des États seuls pourraient ne pas suffire à soutenir des opérations intensives et durables.
Une coopération internationale demandée… mais critiquée
L’appel de l’AES à une coopération sans ingérence tombe sous un jour paradoxal.
Les trois États revendiquent leur indépendance stratégique, mais ils restent dépendants d’un soutien international.
Pourtant, certains observateurs soulignent que l’AES peine à démontrer une vraie alternative crédible aux anciens modèles de sécurité dominés par des puissances externes.
Par exemple, la coopération avec la CEDEAO sur la lutte contre le terrorisme a été relancée en 2025, malgré les divergences fondamentales entre les deux blocs.
Cette ambivalence pose la question de la cohérence : l’AES critique l’ingérence extérieure, tout en sollicitant des partenariats qui engagent cette même communauté internationale.
Une stabilité menacée par la souveraineté affirmée
Le projet stratégique de l’AES s’ancre dans une vision de souveraineté retrouvée.
Créer une défense collective sahélienne, coordonner le renseignement, et éviter la dépendance aux anciennes puissances.
Mais selon certains analystes, cette ambition peut devenir un piège.
Sans des réformes profondes dans la gouvernance locale, le développement des zones frontalières et la réintégration des ex-combattants, la militarisation risque de s’imposer comme seule réponse.
De plus, bien que l’AES affiche sa volonté d’agir sans ingérence, son modèle stratégique reste fragile.
Il repose sur des États jeunes, issus de coups d’État, avec des capacités limitées et des pressions géopolitiques croissantes.
Un pari risqué mais déterminé
L’appel de l’AES au Conseil de sécurité de l’ONU marque un moment fort.
Les régimes du Sahel veulent assumer leur sécurité, refuser l’ingérence et imposer une vision sahélienne de la lutte antiterroriste.
Pourtant, les contradictions émergent. Entre la souveraineté revendiquée et la dépendance aux partenariats, entre la volonté d’une armée confédérale et les limites de ressources, entre le discours et la réalité opérationnelle.
L’ambition de l’Alliance est réelle, mais son succès dépendra de sa capacité à traduire ses mots en actions concrètes et durables.









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