Niger : face aux difficultés, le Général Tiani s’en remet à Dieu
- Towanou Johannes
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Face à une crise multidimensionnelle mêlant insécurité, isolement diplomatique et effondrement économique, le général Abdourahamane Tiani, chef du régime militaire au pouvoir depuis août 2023, a livré un message empreint de ferveur religieuse.
« J’invite chaque Nigérien à se forger l’intime conviction que le Niger est notre bien commun. Il nous appartient à tous et non pas à une quelconque puissance étrangère ou à une quelconque organisation régionale ou internationale », a-t-il déclaré, appelant à l’unité et à la foi.
Mais derrière ce ton patriotique et spirituel, beaucoup voient l’expression d’un pouvoir désemparé, incapable de répondre aux urgences sécuritaires et sociales qui minent le pays.
Une insécurité toujours plus meurtrière
À son arrivée au pouvoir le 1ᵉʳ août 2023, le général Tiani avait remplacé les gouverneurs civils des huit régions du pays par des officiers de l’armée, promettant de mieux coordonner la lutte contre les groupes armés. Deux ans plus tard, le bilan est alarmant.
Selon les données de l’ONG Armed Conflict Location & Event Data (ACLED), environ 1 800 personnes ont été tuées depuis octobre 2024, principalement dans la région de Tillabéri.
Les groupes affiliés à l’État islamique au Sahel ont étendu leurs opérations vers Tahoua et Dosso, jusque-là épargnées.
Dans un rapport publié le 10 septembre 2025, Human Rights Watch a documenté cinq attaques majeures perpétrées depuis mars, ayant causé la mort d’au moins 127 civils.
L’ONG dénonce le manque de réaction des forces nigériennes, malgré les alertes des habitants.
Le même mois, 27 soldats ont péri dans une embuscade dans l’ouest du pays, tandis que 22 civils ont été massacrés lors d’une cérémonie de baptême à Tillabéri.
Le 3 octobre, l’assassinat du maire d’Ayorou, Aliou Oumarou, par des combattants de l’État islamique au Sahel, est venu symboliser la vulnérabilité des autorités locales face à la spirale de violence.
Les forces gouvernementales elles-mêmes mises en cause
Si les groupes armés sont responsables de la majorité des violences, l’armée nigérienne n’est pas exempte de critiques.
Le 22 septembre 2025, une frappe aérienne dans le département de Kourfeye, région de Tillabéri, aurait tué une quarantaine de villageois.
Entre juillet 2023 et novembre 2024, plus de 600 civils auraient péri lors d’opérations militaires, selon plusieurs sources relayant les données d’ACLED.
Ces bavures fragilisent la crédibilité du pouvoir militaire, déjà contesté.
Le militant Maïkoul Zodi, pourtant favorable au CNSP, s’est publiquement interrogé sur « l’efficacité réelle » de la stratégie sécuritaire du régime.
Une solidarité sahélienne en perte d’élan
Pour tenter d’enrayer la dégradation sécuritaire, le général Tiani s’est tourné vers ses alliés du Mali et du Burkina Faso au sein de la Confédération des États du Sahel (AES).
Fin septembre, il a annoncé la création d’un commandement unifié basé à Niamey, censé coordonner une force conjointe de 5 000 soldats.
Mais sur le terrain, la coopération reste limitée. Chaque pays fait face à ses propres priorités.
Au Mali, le général Assimi Goïta tente de contenir les violences au centre du pays, tandis qu’au Burkina Faso, les forces gouvernementales luttent pour maintenir le contrôle de plusieurs régions.
Lors du Forum de Lomé sur la sécurité en Afrique tenu du 11 au 12 octobre 2025, le ministre nigérien des Affaires étrangères a d’ailleurs évoqué la nécessité d’un soutien international, signe des limites de la solidarité interne au bloc sahélien.
Tensions croissantes au sein du régime
À la crise sécuritaire s’ajoutent désormais des dissensions internes.
Plusieurs sources rapportent que certains officiers prônent un calendrier de transition politique, tandis que d’autres s’y opposent fermement.
Début octobre, lors d’un déplacement à Tillabéri, le général Tiani a vertement critiqué certains ministres, dont Salifou Mody, ministre de la Défense et ancien ambassadeur à Moscou, réputé proche des cercles sécuritaires russes.
Ces tensions internes traduisent un essoufflement du pouvoir, deux ans après le coup d’État qui promettait un redressement rapide du pays.
L’isolement grandissant du Niger
Malgré les discours sur la « souveraineté retrouvée », le Niger apparaît plus isolé que jamais.
Sur le plan intérieur, la population s’épuise face à la misère et à la peur.
Sur le plan régional, les ambitions de l’AES peinent à se matérialiser.
Les sanctions internationales continuent de peser lourdement, et les caisses de l’État restent vides, poussant le gouvernement à des initiatives symboliques comme l’opération « 100 francs pour la patrie », destinée à financer les dépenses publiques.
Une foi invoquée comme ultime rempart
Dans ce contexte, le message du général Tiani, appelant à la foi et à la détermination, résonne comme un acte de foi face à l’impuissance politique :
« Leurs intrigues, leurs sursis en espérant que la Confédération AES s’effondre dans les mois à venir, ainsi que leurs plans sataniques de déstabilisation échoueront sans aucun doute, Inch’Allah, face à votre détermination et avec l’aide d’Allah. »
Mais pour une grande partie des Nigériens, la foi ne suffit plus à nourrir les familles, à payer les enseignants ou à sécuriser les routes.
Deux ans après son arrivée au pouvoir, le général Tiani voit son régime vaciller entre les attaques, la désillusion et la solitude diplomatique.
Un pouvoir qui, désormais, semble ne plus compter que sur Dieu pour tenir.





