L’ancien ministre d’État en charge de l’Énergie et des Énergies renouvelables, Ibrahim Yacouba, a été placé sous mandat de dépôt le lundi 15 septembre 2025, aux alentours de 19h. Interpellé quelques jours plus tôt par la Police Judiciaire, il a été présenté au parquet avant d’être transféré à la prison civile. Cette décision intervient dans le cadre d’une affaire criminelle qui secoue le Niger et qui met en cause, outre le marabout Mahamadou Noura, plusieurs personnalités.
Des meurtres rituels au cœur du dossier
Tout commence le 29 juillet 2025, lorsque Mahamadou Noura, présenté comme un charlatan, est arrêté après une tentative d’assassinat.
Devant les enquêteurs, il reconnaît avoir commis au moins cinq meurtres à caractère rituel.
Selon ses propres déclarations, ces crimes auraient été perpétrés dans le cadre de pratiques sacrificielles.
Ses aveux citent plusieurs noms, parmi lesquels celui d’Ibrahim Yacouba, président du parti MPN-Kiishin Kassa et ancien membre du gouvernement de Ouhoumoudou Mahamadou, renversé lors du coup d’État militaire de juillet 2023.
Le parquet temporise mais maintient la pression
Le procureur général du Niger a confirmé que toutes les personnes mentionnées par le présumé tueur ont été interpellées et entendues.
Il insiste cependant sur le caractère présumé des faits, rappelant qu’aucune condamnation n’a été prononcée.
Un complément d’enquête est en cours pour recouper les éléments et vérifier la véracité des accusations portées par le marabout.
En attendant, Yacouba et d’autres suspects demeurent derrière les barreaux, le temps que la justice établisse les responsabilités.
Des antécédents tendus avec la junte
L’arrestation d’Ibrahim Yacouba résonne d’autant plus fort que l’homme politique avait déjà eu des démêlés avec la junte militaire au pouvoir.
Après le putsch de 2023, il avait quitté le pays et pris position contre le renversement de Mohamed Bazoum, allant jusqu’à réclamer sa libération.
Dans un second temps, il avait nuancé ses propos, plaidant pour des négociations directes entre le CNSP et la CEDEAO afin d’éviter une escalade régionale.
Malgré cette posture conciliante, les nouvelles autorités lui ont reproché son attitude initiale.
Un mandat d’arrêt avait été émis contre lui pour « complot et trahison contre l’État ».
Le 5 janvier 2024, à son retour d’exil, il avait été arrêté à l’aéroport international de Niamey, transféré à la prison civile après une brève audition.
Ce n’est qu’à la faveur des assises nationales de la transition, en 2025, qu’il avait recouvré la liberté.
Une figure politique fragilisée
Leader d’un parti qui avait pesé sur la scène nationale, ancien ministre des Affaires étrangères puis de l’Énergie, Ibrahim Yacouba voit son parcours brutalement interrompu par une succession d’affaires.
Sa mise en cause dans un dossier de crimes rituels constitue une nouvelle étape dans un long bras de fer avec les autorités en place.
Une affaire aux multiples lectures
Au-delà des faits judiciaires, ce dossier suscite des interrogations.
Les familles des victimes réclament vérité et justice, la société civile appelle à une enquête rigoureuse, et l’opinion publique s’interroge sur l’ampleur des pratiques occultes dans le pays.
Mais pour certains observateurs, la concomitance entre le passé politique de Yacouba et sa nouvelle incarcération laisse planer une autre question : cette affaire n’est-elle pas aussi l’occasion, pour la junte, d’écarter un adversaire gênant ?
Comments