L’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a marqué les esprits lors d’une interview le 16 octobre dernier, en exprimant sa volonté de redéfinir les relations de la Côte d'Ivoire avec les gouvernements militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Il a critiqué la Cedeao, qu’il accuse d’avoir perdu son rôle initial, tout en appelant à une nouvelle dynamique régionale.
Un repositionnement stratégique face aux régimes militaires sahéliens
Laurent Gbagbo, qui a dirigé la Côte d'Ivoire de 2000 à 2011, a proposé un changement de cap diplomatique en cas de retour au pouvoir, visant à renforcer les liens avec les gouvernements issus de coups d'État dans le Sahel.
Il estime que cela pourrait contribuer à apaiser les tensions vives entre la Côte d'Ivoire et l'AES, ainsi qu'entre les différents peuples de la région.
Gbagbo souligne que ces pays, dirigés par des leaders révolutionnaires qui s'opposent au néocolonialisme français, méritent d'être traités avec considération.
Il note que :
"l'on présente l'AES comme un conglomérat de putschistes, ne nous faites pas aller loin."
Il poursuit en abordant les coups d'État militaires survenus dans la région :
"Il y a eu des coups d'État militaires au Mali, au Burkina, au Niger, au Tchad, en Guinée et au Gabon. Il y a les bons coups d'État et les mauvais, je ne rentre pas dans ce jeu-là."
Gbagbo soulève également une réflexion sur l'attitude des dirigeants occidentaux :
"Quand je vois des chefs d'État occidentaux courir au Tchad pour adouber le fils Deby, je me demande ce qu'il y a dans la tête de ceux qui raisonnent ainsi."
Il explique que, dans la première catégorie, "un coup d'État est un coup d'État, ou bien il n'en est pas un."
En revanche, il évoque les coups d'État civils, affirmant que :
"lorsque les constitutions limitent les mandats à deux et que certains dirigeants en font trois, quatre ou cinq, cela constitue également des coups d'État. Je n'ai pas fait de coups d'État pour arriver au pouvoir, mais j'ai travaillé avec des chefs d'État issus de l'armée."
Cette déclaration démontre son ouverture à collaborer avec des régimes militaires, arguant que le mode d'accession au pouvoir ne devrait pas préjuger de la capacité d'un dirigeant à gouverner efficacement.
Enfin, il conclut que:
"au pouvoir, la relation avec l'AES va s'améliorer parce que je vais les considérer comme des États, tout simplement, avec des dirigeants qui sont arrivés au pouvoir par leurs moyens."
La Cedeao dans le viseur : un outil décrié
Gbagbo n’a pas épargné la Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu'il accuse d’être devenue un relais de l’influence française en Afrique.
Il a fustigé ce qu'il considère comme une perte de crédibilité de l’organisation régionale, qui, selon lui, ne parvient plus à répondre efficacement aux crises sécuritaires et politiques qui secouent le Sahel.
Cette critique rejoint la position adoptée par les régimes militaires de l’AES, qui ont récemment quitté l’organisation en signe de protestation contre son inaction face aux défis de la région.
Pour Gbagbo, le rôle de la Cedeao a été particulièrement défaillant lors des conflits internes en Côte d'Ivoire, notamment pendant la crise post-électorale de 2010-2011.
Il estime que l'organisation a perdu de sa pertinence et appelle à une refonte profonde de son fonctionnement pour qu'elle retrouve son rôle de stabilisateur régional.
Parlant de sa candidature à la présidentielle
Lors de l'interview, Gbagbo a également abordé sa propre candidature à l'élection présidentielle, malgré son âge avancé.
Il a souligné qu'il mène ce combat pour la Côte d'Ivoire et pour l'Afrique depuis l'âge de 18 ans, et que l'âge ne devrait pas être un critère pour juger de sa capacité à poursuivre cette lutte.
"On se bat. Moi je me bats depuis que j'ai à peu près 18 ans. Je me bats pour la Côte d'Ivoire mais je me bats surtout pour l'Afrique".
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