La Cour suprême du Sénégal a tranché. Le mardi 1er juillet 2025, elle a rejeté le rabat d’arrêt introduit par les avocats d’Ousmane Sonko, confirmant ainsi définitivement la condamnation prononcée contre lui par la Cour d’appel. Le leader du parti Pastef, désormais Premier ministre du Sénégal, voit donc sa peine de six mois de prison avec sursis et une amende de 200 millions de francs CFA pour diffamation à l’encontre de l’ancien ministre Mame Mbaye Niang, maintenue dans toutes ses dimensions.
Une affaire vieille de plus de deux ans, toujours explosive
Les faits remontent au 22 novembre 2022, lors d’un point de presse où Sonko, alors opposant, accusait Mame Mbaye Niang d’être épinglé dans un rapport de l’Inspection générale d’État (IGE / IGF) concernant la gestion du programme Prodac.
N’ayant jamais produit ce rapport devant la justice, ses propos ont été jugés diffamatoires, déclenchant la plainte formelle de Niang.
Depuis lors, cette affaire est devenue un véritable enjeu politique, exacerbé par les tensions entre les partisans de Sonko et ceux du régime précédent, rendant chaque décision judiciaire particulièrement sensible.
La loi d’amnistie change la donne
Malgré cette confirmation de peine, les juristes s’accordent à dire que Sonko reste éligible, grâce à la loi d’amnistie votée en mars 2024, qui couvre toutes les infractions à caractère politique commises entre 2021 et 2024.
La Cour suprême avait elle-même qualifié cette affaire de diffamation comme étant une infraction politique, ce qui a pour effet d’éteindre l’action publique sur le plan pénal.
Cette amnistie protège donc Ousmane Sonko des conséquences judiciaires pénales, une situation qui continue d’alimenter les débats sur la portée réelle de cette loi et ses implications politiques dans le pays.
Un épilogue judiciaire, mais une dette civile maintenue
Si l'amnistie protège Sonko des conséquences pénales, elle ne l’exonère pas des obligations civiles.
Le chef du gouvernement reste tenu de verser les 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts à Mame Mbaye Niang.
Cette condamnation civile conserve un poids symbolique et financier important, même si ses implications politiques sont neutralisées par la loi d’amnistie.
Ce volet civil de l’affaire souligne que la justice n’a pas totalement levé le voile sur les responsabilités et laisse une porte ouverte à d’éventuelles suites dans le domaine financier.
Sonko contre-attaque sur le terrain politique et judiciaire
Dans une déclaration tenue ce mardi, Ousmane Sonko est revenu sur le fonctionnement de la justice sénégalaise.
Il a affirmé : « Mon respect pour la justice est total. Mais ce respect n’est pas un blanc-seing. Si elle ne remplit pas correctement son rôle, je serai le premier à le dire. Parce qu’une justice faible, c’est une République fragile ».
Ces propos traduisent sa position claire face à ce qu’il perçoit comme des dysfonctionnements dans le système judiciaire.
Le Chef du gouvernement sénégalais a exprimé sa déception concernant certains hommes et femmes de la magistrature qui le laissent, selon lui, instrumentaliser pour des intérêts purement politiques.
Il ajoute : « Il y a dans la magistrature des hommes et des femmes intègres, qui font honneur à leur fonction. Mais il y en a aussi qui se laissent malheureusement instrumentaliser par des intérêts politiques ».
Ses avocats comptent donc saisir le ministre de la Justice aujourd'hui pour demander la révision du procès.
C'est une possibilité qui existe dans la loi sénégalaise, mais seulement s'il y a un nouvel élément.
Cet élément nouveau serait un rapport de l'Inspection générale des finances qui établirait l'implication de Mame Baye Niang dans des dépenses publiques qui ne sont pas orthodoxes, selon Ousmane Sonko.
Dans sa déclaration mardi nuit, le premier ministre avait d'ailleurs exhibé ledit rapport en affirmant qu'il a été signé par l'ancien premier ministre de Macky Sall, Amadou Ba.
Pour les proches d'Ousmane Sonko, cette confirmation judiciaire ne fait que renforcer sa volonté de "démasquer les reliques du système de Macky Sall encore actives dans les institutions sénégalaises".
De nombreuses voix dans son camp accusent certains juges d’avoir agi sous l’influence de réseaux liés à l’ancien régime.
Une tension persistante entre pouvoir et justice
Cette affaire illustre les tensions toujours vives entre les institutions judiciaires sénégalaises et l’exécutif dirigé par Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Sonko.
Si la séparation des pouvoirs est théoriquement établie, cette décision de la Cour suprême relance le débat sur l’indépendance de la justice dans un pays encore marqué par les séquelles d’un régime autoritaire.
Elle pose la question de l’équilibre entre justice et politique, et les risques d’instrumentalisation qui pèsent sur les institutions.
Le Sénégal se retrouve ainsi confronté à un défi majeur : garantir une justice impartiale tout en consolidant la stabilité politique.